Dora Bouchoucha : « J’aime la façon qu’Ayten Amin a de bousculer les codes »

© huntignol, photo de Dora Bouchoucha lors du Festival Cinémas du Sud à l'Institut Lumière à Lyon
Marraine de cette 22e édition, la productrice tunisienne Dora Bouchoucha présentait ce mercredi soir « Souad » réalisé par la cinéaste égyptienne Ayten Amin. L’occasion pour celle qui est aussi la coproductrice du film, de revenir sur la genèse de cette œuvre sélectionnée au Festival de Cannes 2020.
Vous êtes la coproductrice de « Souad », film d’ouverture du festival. Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette œuvre de la cinéaste égyptienne Ayten Amin ?
J’avais vu les courts métrages d’Ayten et je trouvais qu’elle avait un réel langage cinématographique, une vision intéressante. Je l’ai rencontré il y a quelques années à l’occasion des ateliers Sud Écriture. J’ai tout de suite aimé l’idée du film et la façon qu’Ayten a de bousculer les codes, comment elle traite du suicide, qui reste un sujet tabou dans le Moyen-Orient. J’avais aimé le scénario de « Souad », je trouvais dommage que ce récit reste à l’état de projet. J’en ai parlé au producteur égyptien Mohamed Ramzy et nous avons aidé à concrétiser ce projet. C’est un film qui s’est fait avec très peu d’argent, la production de Souad a duré trois ans. Ce film parle du quotidien de toutes les jeunes filles et du déchirement qui existe entre la vie qu’elles mènent et celle qu’elles aimeraient vivre. Ce décalage entre la vie réelle et virtuelle m’a tout de suite intéressé.
Quel a été l’accueil du film lors de la sortie ?
Nous avons été très agréablement surpris lorsque le film a été sélectionné au Festival de Cannes en 2020, puis à la Berlinale. Le film n’est pas encore sorti en Egypte, mais il a déjà été présenté en Tunisie et à Londres il y a quelques mois. Nous aimerions aussi le diffuser en France, si des distributeurs sont intéressés, l’appel est lancé !
Vous avez créé les ateliers Sud Écriture en 1997. Quel a été le moteur de ce projet ?
C’est d’abord l’envie d’aider les jeunes générations : il y a un vivier incroyable de talents ! Et puis l’écriture n’est pas quelque chose d’immédiat, de naturel. Il est important d’aider l’auteur à trouver son intention. Cela facilite ensuite la réalisation d’un film. Quand j’ai commencé la production, l’écriture était souvent négligée, on pensait que tout allait se régler pendant le tournage, ce qui est une erreur ! Dans cet atelier, on choisit chaque année cinq auteurs. Nous sommes fiers d’avoir cette année deux films issus de cet atelier sélectionnés à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes : « Ashkal » de Youssef Chebbi et « Sous les figues » d’Erige Sehiri.
Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?
Au sein de la société de production Nomadis Images, nous travaillons sur le troisième long-métrage du cinéaste tunisien Mohamed Ben Attia. Actuellement en cours de montage, ce film intitulé « Dans le vide », aborde le poids des normes et l’inadaptabilité à la société, un thème cher à ce réalisateur.
Laura Lépine
Ayoub Layoussoufi : « Le cinéma de Mohamed Mouftakir est très sensible, poétique »
L’acteur-réalisateur Ayoub Layoussifi présentait ce jeudi soir « L’Automne des pommiers », troisième long-métrage de Mohamed Mouftakir. L’occasion pour l’interprète de l’instituteur, personnage central de ce récit poétique, d’aborder sa collaboration avec le cinéaste marocain.

© Visuel tiré du fil L'Automne des Pommiers de Mohamed Mouftakir
« L’Automne des pommiers » marque votre première participation à un film du réalisateur Mohamed Mouftakir. Comment est née votre collaboration ?
Mohamed est un cinéaste que j’admirais depuis longtemps, on s’est croisés plusieurs fois et puis un jour, nous nous sommes vraiment rencontrés. Le feeling est tout de suite passé entre nous. Il m’a donné le scénario de « L’Automne des pommiers » : j’ai immédiatement été séduit à la lecture. En parlant du personnage de l’instituteur, j’ai dit à Mohamed : « l’instituteur, c’est un peu toi. J’avais l’impression d’avoir l’instituteur devant moi lorsque je parlais à Mohamed ! ».

© Visuel tiré du fil L'Automne des Pommiers de Mohamed Mouftakir
Vous interprétez dans ce film, le rôle de l’instituteur, un personnage secret mais central dans la quête d’identité que mène Slimane, le petit garçon de « L’Automne des pommiers ». Comment avez-vous abordé ce rôle ?
Ce rôle m’a plu, c’est le genre d’instituteur que j’aurais aimé avoir enfant. Nous avons parlé du personnage avec Mohamed lors de la préparation du film. Il m’a expliqué que c’était une personne aimée et respectée dans le village. Mohamed a posé les contours de ce personnage et après, c’est mon travail de comédien d’apporter de la chair à ce personnage en utilisant la base posée par le réalisateur. Au début, j’avais posé des questions à Mohamed sur l’esthétisme de cet instituteur : « est-ce qu’il doit porter les cheveux courts, ou peut-être une moustache ? » Mohamed m’a immédiatement répondu : « pas besoin, c’est toi l’instituteur ». Cela m’a beaucoup rassuré, ça m’a conforté dans mon travail. Et puis j’étais entouré par de supers comédiens, d’une telle générosité. Pour jouer ce rôle, j’ai essayé de ne pas être dans la caricature du personnage de l’instituteur. C’est un homme bienveillant, touché par cet enfant (Slimane) qui le met face à lui-même, à ses contradictions.
Remarqué à l’international avec son premier long-métrage « Pégase » (2011), Mohamed Mouftakir est devenu une figure incontournable du cinéma marocain. Comment décririez-vous le travail de ce cinéaste ?
Humainement, c’est quelqu’un qui est à l’écoute. J’ai eu beaucoup de plaisir à être diriger par lui, c’est un homme fin, son propos est juste. Son cinéma est très sensible, poétique et son travail est extrêmement millimétré. Dans son écriture aussi, Mohamed est tellement précis : je me souviens qu’en en lisant les descriptions du village de Slimane faites dans le scénario de « L’Automne des pommiers », j’avais l’impression de sentir le vent, de voir déjà ce décor !
Vous avez également réalisé plusieurs courts métrages, dont le documentaire « Dis-moi Mohamed » (2012) et Tikitat-A-Soulima (2016). Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?
Au sein de l’atelier Meditalents, j’ai écrit le scénario l’un long-métrage intitulé « Mektoub ». Nous avons rencontré plusieurs producteurs dont Valérie Donzelli, et puis il y a eu le confinement, cela a retardé le processus de production. « Mektoub » raconte le destin de Simon, un jeune parisien de confession juive qui découvre que son père biologique est musulman, il part alors à sa recherche. En parallèle de ce projet, j’entame la phase de production de mon court-métrage « Chikha » (Reine, en marocain) consacré aux danseuses-chanteuses d’Aïta, un art populaire marocain. Le tournage est prévu dans quelques mois à Azemmour au Maroc.
Laura Lépine
Djaffar Gacem : « C’était un devoir d’écrire ce film »
Figure incontournable du paysage audiovisuel algérien, Djaffar Gacem présentait ce jeudi soir son premier long-métrage, « Héliopolis ». Un récit puissant inspiré des massacres survenus à Guelma, Sétif et Kherrata le 8 Mai 1945.

© Visuel tiré du film Héliopolis de Djaffar Gacem
« Héliopolis » raconte le destin d’une famille algérienne bouleversé par les exactions qui vont atteindre un point de non-retour le 8 Mai 1945. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’aborder ces faits historiques ?
C’est vrai que j’ai fait beaucoup de choses pour la télévision algérienne, aujourd’hui en tant que cinéaste, j’avais le devoir de montrer cette histoire à nos générations, surtout les jeunes qui n’ont pas eu accès à cette histoire à travers les manuels scolaires notamment. C’était un devoir d’écrire ce film.
Vous avez réalisé et signé de nombreuses séries pour la télévision algérienne. Que retenez-vous de ce premier passage au long-métrage ?
Faire un film aujourd’hui en Algérie, c’est comme construire un château : il faut y croire car il n’y a pas beaucoup d’argent et pas de studios. Pour « Héliopolis », on a collaboré avec des scénaristes français, le travail d’écriture s’est déroulé sur trois ans. Comme il n’y a pas de studio en Algérie, nous avons effectué des repérages : nous avons tourné tous les décors dans l’ouest du pays. Le film s’est fait avec un petit budget, la plupart des figurants que vous voyez dans le film n’avaient jamais fait de cinéma : malgré cela, l’amour que nous avons de notre métier nous a permis de tenir jusqu’au bout !
Le film s’inspire des faits historiques survenus dans les années 40 en Algérie.
« Héliopolis » s’achève sur les massacres perpétrés en 1945 dans les villes de Sétif, Guelma et Kherrata. Quel était le fil conducteur qui vous a aidé à construire le film ?
C’est vrai que c’est un sujet compliqué pour un premier-long-métrage. J’ai fait très attention à ne pas faire ce que l’on appelle un film « de commande », de ne pas être pro-algérien. Je voulais faire un film de contexte et non pas de jugement. C’était important de montrer le destin de ces familles algériennes bourgeoises qui avaient le sentiment que l’Etat colonial français était la raison. J’avais à cœur de montrer la différence entre l’empire colonial et les colons, c’est fondamental pour comprendre cette histoire. A travers le conflit entre le père et son fils au sein de la grande Histoire, on expose les contradictions qui ont menées aux évènements du 8 Mai 1945.
Sélectionné au festival du film de Toronto, « Héliopolis » a représenté l’Algérie dans la course aux nominations aux Oscars dans la catégorie du film étranger. Comment le film a-t-il été accueilli en Algérie ?
J’avais un peu d’appréhension avant la projection du film en Algérie, par rapport à certains journalistes conservateurs. Mais le film a été perçu favorablement : on a fait une tournée générale dans tout le pays. L’Algérie traverse actuellement une situation de crise dans le cinéma. Malgré cela, le film a réussi à remplir certaines salles de cinéma dans le pays. On a montré parfois le film en plein air, en utilisant une clé USB car il n’y pas toujours de salles de cinéma dans certains endroits, mais le public lui, est toujours là et c’est le plus important.
Après ce premier long-métrage, quels sont vos projets au cinéma ?
« Héliopolis » m’a donné envie de continuer le cinéma, ça ouvre l’appétit ! Quand on rencontre le public partout dans le monde grâce à un film, ça vous donne envie de continuer le cinéma. Le but est que le film continue de voyager, nous l’avons présenté en Egypte, en Angleterre, en Italie. C’est important de raconter ce qu’il s’est passé en Algérie. Je pense que la vie est une histoire qui se répète, ce travail de mémoire est important.
Laura Lépine
Darin J. Sallam : « Je voulais que le public ressente ce que Raddiyeh a vécu »
Avec « Fahra », la cinéaste jordanienne Darin J. Sallam signe un premier long-métrage aussi puissant que captivant sur l’exode de la population palestinienne vue à travers le regard d’une adolescente. Un petit bijou qui a tapé dans l’œil des spectateurs tant par son propos que par son esthétisme. Rencontre avec une jeune cinéaste au talent certain.

© Visuel tiré du film Farha de Darin J. Sallam
« Fahra » se déroule en 1948, lors de la nakba, l’exode de la population palestinienne, conséquence de la guerre civile. Le récit est centré sur le destin de Fahra, une adolescente enfermée dans un garde-manger pour tenter de survivre. Comment est née l’histoire du film ?
C’est un récit inspiré de faits réels. « Fahra », s’appelle en fait Raddiyeh : une jeune fille palestinienne qui a été enfermée par son père pour protéger sa vie et l’honneur de sa famille lors des événements catastrophiques d’Al-Nakba en Palestine en 1948. Elle s’est finalement rendue en Syrie, où elle a rencontré une fille avec qui elle a partagé son histoire. Cette fille a grandi, a fondé une famille et a partagé cette histoire avec sa fille. Cette fille, c’est moi. Ma mère, qui est syrienne, m’a raconté l’histoire de son amie lorsque j’étais enfant : son histoire est restée gravée dans mon esprit. Je n’arrêtais pas de penser à ce qu’elle devait ressentir dans cette petite pièce sombre. Je n’ai jamais su ce qu’il s’était passé dans ce garde-manger mais je voulais parler de son histoire, que le public ressente ce que cette adolescente a vécu dans cette pièce. J’avais envie de partager cette histoire, transmise de générations en générations par les femmes. Le film s’inspire aussi de ma propre famille. C’est aussi une métaphore de la situation actuelle de la Palestine, qui est comme une prison.
L’histoire de « Fahra » se nourrie du destin de Raddiyeh et de celui de votre famille. Savez-vous ce qu’est devenue Raddiyeh ?
Avant de réaliser le film, j’avais déjà effectué des recherches pour la retrouver, je ne sais pas ce qu’elle est devenue, ni si elle est encore vivante. Elle doit avoir environ 80 ans maintenant. Avant « Fahra », je voulais absolument retrouver Raddiyeh et puis après je me suis dit que je pouvais raconter son histoire sans en connaître la fin. D’ailleurs, lorsque j’ai présenté mon projet aux producteurs, je leur ai dit que je n’étais pas sûre de la fin du film, qu’elle allait possiblement changer en cours de tournage. Maintenant que j’ai réalisé « Fahra », je vais peut-être reprendre mes recherches sur Raddiyeh ! En tout cas, j’espère que ses enfants ou petits-enfants verront le film !
Comment s’est déroulé le tournage du film ?
Le film a été tourné en Jordanie dans un village qui était en ruines. Pour les besoins du film, nous avons modifié certains décors de ce lieu et des effets spéciaux ont aussi été utilisés pour plonger le spectateur dans l’époque à laquelle se déroule l’histoire, les années 40. Pour les scènes se déroulant dans le garde-manger, nous avons tourné dans deux lieux différents : une pièce à l’intérieur d’une maison et un décor réalisé en studio, afin de filmer au plus près les réactions et les émotions de Fahra.
Le personnage central du film, Fahra est interprété magistralement par la jeune Karam Taher. Comment avez-vous découvert cette actrice ?
Je savais que trouver l’actrice incarnant Fahra serait difficile. Tout d’abord parce qu’il y a très peu d’actrices de cet âge en Jordanie. Je savais que je devais trouver un nouveau visage. Il m’a fallu presque un an et demi pour trouver Karam. J’ai vu beaucoup de filles lors du casting. A l’audition, il y avait une présence charismatique chez elle. Ce qui m’a plu aussi, c’est son visage, selon l’angle de vue, elle peut sembler être tantôt une enfant, tantôt une femme. J’ai travaillé avec elle d’une manière différente : comment ne pas surjouer, il était important de rester dans la sobriété qu’impose ce personnage. Je ne voulais pas que le film soit comme un documentaire, c’était primordial que le spectateur soit focalisé sur le ressenti de Fahra.
Est-ce que le film sera projeté en Jordanie et en France ?
Une projection devrait avoir lieu en Jordanie au mois de juillet, je suis impatiente de voir les réactions du public ! Nous sommes actuellement en discussion pour assurer la distribution du film en Palestine et en France. « Fahra » sera présenté au mois de mai en Suède dans le cadre du festival du film arabe de Malmö. Je suis très fière et heureuse que la première française du film ait eu lieu au festival Cinémas du Sud. C’est mon premier long-métrage, c’est très émouvant de le présenter à l’institut Lumière, dans la ville où le cinéma est né !
Laura Lépine
Omar Belkacemi : « Koukou, c’est moi adolescent »
Présenté ce vendredi à l’Institut Lumière, « Rêve » marque le premier passage au long-métrage du comédien algérien Omar Belkacemi. Une ode à la différence et une déclaration d’amour aux femmes kabyles qui puise son inspiration dans l’adolescence du cinéaste.

© Visuel tiré du film Rêve d'Omar Belkacemi
« Rêve » raconte le quotidien du jeune Koukou, personnage lunaire, montré du doigt dans son village kabyle. Comment est née l’histoire du film ?
Cette histoire, c’est la mienne. C’est inspiré de mon vécu, de mon univers et de mon environnement. Koukou, c’est moi adolescent et le personnage de Mahmoud, c’est moi adulte. J’ai voulu placer l’humain au cœur de ce récit. L’histoire se déroule dans un village au cœur des montagnes kabyles parce que c’est le décor de mon enfance. La langue du film, le berbère kabyle, c’est ma langue. Pour écrire « Rêve », je me suis inspiré de mon vécu mais aussi de celui de ma mère et de toutes ces femmes algériennes. C’est grâce aux femmes si on est là, et encore debout en Algérie !
Beaucoup de cinéastes évoquent les difficultés de tourner en Algérie. Comment s’est déroulé le tournage de « Rêve » ?
Dans ce film, il n’y a aucun comédien professionnel : ce sont des amis et des gens du village qui composent le casting de « Rêve », c’est comme ça que je fais des films. J’ai la chance d’être bien entouré : je parviens à faire des films avec de petits budgets parce que tous ceux qui m’entourent sont impliqués, de la technique à la figuration. Il est difficile de faire du cinéma en Algérie, mais il y a un engagement très fort de toute la profession. Quand on est sincère et qu’on croit en quelque chose, on arrive à entraîner les gens avec nous ! Quand il y a de la sincérité et de l’amour, l’accueil et l’adhésion du public est une évidence.
« Rêve » possède un style contemplatif, marqué par de nombreux plans fixes qui rendent hommage au regard des habitants du village et au paysage kabyle. Comment qualifieriez-vous votre cinéma ?
En effet, il y a beaucoup de plans fixes, dont certains sur les regards des personnages. C’est mon regard, ma façon d’observer le monde. J’aime poser mon regard sur des visages, des situations, j’aime prendre le temps d’observer autour de moi. J’aime aussi beaucoup les silences, c’est dans le silence qu’on perçoit la vérité. Dans les familles arabes, on a cette culture du silence : on arrive à se dire beaucoup de choses par des silences, des regards.
Laura Lépine
Maysoon Pachachi : « Je voulais montrer comment cette violence sectaire affecte les gens »
Premier film de fiction de la réalisatrice irakienne Maysoon Pachachi « Notre Fleuve…Notre ciel » a conquis le cœur des festivaliers ce samedi. Acclamée par le public, l’équipe du film s’est livrée sur cette œuvre inspirée du quotidien d’un quartier de Bagdad à l’aube de la guerre civile. Extraits choisis.

© Visuel tiré du film Notre fleuve ... Notre ciel de Maysoon Pachachi et Irada Al-Jubori
À la source du film
Maysoon Pachachi : « J’ai rencontré Irada en 2006 à l’occasion d’un projet artistique sur lequel elle travaillait en Irak. On demandait à douze femmes irakiennes de dessiner une carte représentant leur vie. Ces œuvres ont fait l’objet d’une exposition photographique. A partir de 2007, l’Irak a connu une période de violence sectaire et de barbarie qui a conduit à un couvre-feu imposé aux habitants. Avec Irada, nous avons décidé de faire un film sur le quotidien des Irakiens à cette époque. Je fais partie d’une association en Angleterre appelée « Act Together », qui vient en aide aux femmes irakiennes. Au sein de cette structure, nous avons collecté leurs histoires, cela a nourri aussi l’écriture des personnages du film ».
Irada Al-Jubori (co-scénariste du film) : « J’écrivais tout ce qu’il se passait autour de nous. La scène du bus que vous voyez dans le film s’est vraiment passée ! D’autres scènes sont inspirées du vécu de ces femmes en Irak et en Syrie. Nous avons réalisé dix versions de scénario avant d’aboutir à l’histoire définitive du film ».
Quand Darina Al Joundi rencontre Maysoon Pachachi
Darina Al Joundi (actrice interprétant le personnage de Sara, la romancière) : « Mon agent m’a présenté Maysoon et je peux dire que le courant est tout de suite passé entre nous ! On sait que ce genre de film est un long processus, notamment pour obtenir les financements. Pour jouer Sara, j’ai surtout dû travailler le dialecte irakien car je suis libanaise. Cela m’a aidé à trouver la musique du personnage. J’ai vécu à une période en Irak donc l’histoire de ces habitants m’était familière : ce déchirement que constitue l’exil, partir ou rester et survivre. C’est difficile de quitter son pays, le film décrit bien cette souffrance et les espoirs d’un meilleur futur pour son pays ».
Le cinéma de Maysoon Pachachi, un travail d’orfèvre
Patrice Nezan (Coproducteur du film) : « Un jeune producteur koweïtien que je connais depuis plusieurs années, m’a présenté le scénario du film. J’ai vu dans le travail de Maysoon, une écriture à taille humaine. A travers ce film, elle nous montre le quotidien d’un quartier de Bagdad. Ce film choral permet à nous, occidentaux, de mieux appréhender la réalité irakienne. Cette humanité transpirait dans ce scénario. Ensuite, nous avons choisi Alexandre Donot pour réaliser le montage du film car nous avions été impressionnés par la qualité de son travail sur le film « Guy » d’Alex Lutz ».
Alexandre Donot (monteur du film) : « Le scénario était magnifique, le film était déjà monté par la qualité de l’écriture. Maysoon venant du documentaire, on ressentait déjà à la lecture la précision du découpage du film. Monter ce type de film, c’est un peu se mettre dans les chaussures du cinéaste. Maysoon avait ce souci permanent de ne jamais trahir le peuple irakien. C’était une expérience formidable de travailler avec elle ! »
Montrer l’impact de la violence
Maysoon Pachachi : « A l’époque où se déroule l’histoire du film, en 2006, la violence sectaire et la barbarie étaient le quotidien des irakiens. Un Sunnite et Chiite ne pouvait vivrent dans le même quartier. Ce qui m’intéressais, ce n’est pas de montrer le sang, ni les blessures, mais l’impact de cette violence quotidienne sur les gens ».
Laura Lépine
Mehdi Hmili : « Je fais des films sur une classe sociale qui n’a pas de voix »
Cinq ans après « Thala Mon Amour », le cinéaste Mehdi Hmili confirme les espoirs placés en lui avec « Streams », film coup de poing sur les dérives de la société tunisienne. Le réalisateur-producteur s’est livré sans fard sur les secrets de fabrication de cette pépite présentée à l’Institut Lumière.
